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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 Victor CAMBON : RABAT, La naissance d'une capitale -1914-

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Paul CASIMIR





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MessageSujet: Victor CAMBON : RABAT, La naissance d'une capitale -1914-   Victor CAMBON : RABAT, La naissance d'une capitale -1914- EmptyJeu 19 Sep - 10:28

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RABAT, La naissance d'une capitale par Victor CAMBON.


Dernière édition par Paul Casimir le Ven 13 Déc - 9:05, édité 3 fois
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MessageSujet: Rabat, la naissance d'une capitale.   Victor CAMBON : RABAT, La naissance d'une capitale -1914- EmptyJeu 19 Sep - 10:38

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- Fig. 1. — Le plan de la ville future.


RABAT. — LA NAISSANCE D'UNE CAPITALE


Remplissez un sac de pions, de dames, de dés à jouer et videz le tout sur un tapis de billard, vous aurez une image assez exacte de la ville européenne de Casablanca. Chacun y a construit sa maison comme il voulait, l'a orientée à sa guise, y accède par où bon lui semble. Pas de plan d'ensemble, aucune place, ni squares, ni jardins publics, nulles perspectives. Les rues ont la largeur que les lotis­sements particuliers ont daigné leur accorder; jamais plus de 15 mètres, souvent moins de 8. Chaque propriétaire se montre jaloux de perdre un pouce de terrain et les autorités du début ont laissé faire. 50000 Européens vivent déjà dans cette ville ainsi conçue.
Le mal est aujourd'hui sans remède; on s'en aperçoit maintenant que l'on songe à établir des égouts, de l'éclairage, des monuments publics, des moyens de transport que les ingénieurs perdent la tête à vouloir installer dans ce dédale de rues étroites, orientées au hasard, sans issues, d'une longueur disproportionnée avec le nombre des habi­tants à prévoir.

Nonobstant, Casablanca, à cause de son port en construction, sera la grande place de commerce du Maroc ; mais si elle ne peut prétendre à l'avantage d'être une capitale, l'individualisme des spécula­teurs et le nonchaloir des autorités en porteront dans l'avenir la responsabilité.
Le général Lyautey arriva fort à temps pour em­pêcher qu'il en fût de même à Rabat. Frappé de ce qu'il ne pouvait plus que constater à Casablanca et guidé par son instinct d'artiste, il décida que la

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MessageSujet: Rabat, la naissance d'une capitale.   Victor CAMBON : RABAT, La naissance d'une capitale -1914- EmptyJeu 19 Sep - 10:48

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- Fig. 2. — Vue de Rabat. (Phot. Schmitt.)

seconde ville construite par la France au Maroc se­rait aussi attrayante que la première était ines­thétique.
Mais la tâche était malaisée, car déjà les spécu­lateurs avaient accaparé les terrains à plusieurs kilomètres à la ronde autour de la ville indigène. Il s'agissait de bouleverser leurs combinaisons et de créer du grandiose là où l'on avait projeté du mesquin. Même aujourd'hui nombre d'esprits étroits n'ont pas encore compris que leurs terrains ne valent que par la position qu'ils occupent et qu'en cédant au domaine public une voie de 25 mètres ils font une meilleure opération qu'à entasser des immeubles le long d'une ruelle de 25 pieds.

Les sympathies de Rabat ne se sont réfugiées auprès du général qu'à dater du jour où il lutta contre les vues des parlementaires qui, pour des considérations d'intérêt supérieures, voudraient transporter la résidence de Rabat à Fez.
Sans revenir ici sur les discussions et les sophismes présentés par les partisans de ce transfert, qu'il me soit permis d'ajouter aux raisons qu'on leur a opposées la remarque qu'ils méconnaissent une loi économique d'ordre général.
Toutes les capitales de pays ou de provinces que la civilisation moderne a créées dans les régions nouvelles, sont maritimes, aussi bien en Amérique que sur le continent africain. Faut-il citer Rio de Janeiro, Pernambuco, Buenos-Ayres, Montevideo, Dakar, Capetown, Durban, Alger, Oran. En Algérie notamment, le seul chef-lieu que l'on ait maintenu dans l'hinterland, Constantine, est resté stationnaire et se voit dépasser et en quelque sorte supplanter par Bône. Partout, à moins de nécessités écono­miques majeures, le point d'intersection entre la terre et l'eau est le siège pour ainsi dire obligatoire où s'établit le conquérant qui exploite le pays.

D'autre part, les beautés naturelles et le passé historique de Rabat combattaient en faveur du choix de Lyautey. Peu de villes occupent une situation aussi privilégiée.
Assise sur un promontoire escarpé qui domine l'embouchure du Bou-Regreg, vis-à-vis Salé, le vieux repaire de pirates barbaresques, Rabat com­prend une pointe aiguë, la Kasbah des Oudaias, sorte de citadelle avancée, surplombant la barre éternellement tumultueuse du fleuve; en arrière s'étend la ville arabe, encerclée d'une première en­ceinte de hautes murailles qui se profilent en sombre sur le ciel bleu ; des portes monumentales aux arceaux harmonieux les découpent. Ça et là des mosquées, des fontaines décorées de motifs char­mants; et, en vue de tous les points de l'horizon, la haute silhouette de la tour Hassan, sœur jumelle de la tour de Marrakech et de la Giralda de Séville, chefs-d'œuvre de la grande époque arabe.
Puis, en dehors, après qu'on a traversé 2 kilo­mètres de jardins et de vergers, apparaît une

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MessageSujet: Rabat, la naissance d'une capitale.   Victor CAMBON : RABAT, La naissance d'une capitale -1914- EmptyJeu 19 Sep - 11:00

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Fig. 3 — Une fontaine de Rabat. (Phot. Schmitt.)

Fig. 4 — Une des belles portes de Rabat.


deuxième enceinte, dont le développement n'a pas moins de 8 kilomètres et qui, comme la première, vient mourir au nord dans l'Océan, à l'est dans le Bou-Regreg.
C'est entre ces deux enceintes, soit sur les pentes douces qui entourent la ville indigène, soit sur les falaises qui bordent l'Atlantique, que sera cons­truite la cité française.
Au delà encore, en remontant d'une lieue le Bou-Regreg, s'élève, au penchant de la colline, la curieuse kasbah du Chellah, entourée de murs en ruines, où l'on pénètre par une porte vénérable enguirlandée de fines arabesques.
A l'intérieur divague un fouillis de verdure et d'arbres touffus, entre­mêlés d'une demi-douzaine de ma­rabouts étincelants de blancheur. Une source abondante, dont la ré­putation de pureté est bien établie, provoque toute cette végétation. Le Chellah, constamment animé par des files d'indigènes et de bourri­cots porteurs d'eau, est la prome­nade classique des  Européens de Rabat.

Insensible aux récriminations inté­ressées, le général  Lyautey a fait dresser sous ses yeux, par les archi­tectes de la  Résidence, un  plan  d'ensemble qui respecte et met en valeur ce décor magnifique.
Des ordonnances précises l'accompagnent. C'est ainsi qu'il est interdit de construire dans un large rayon autour de la première enceinte, afin que rien ne puisse cacher à la vue la ligne imposante de la grande muraille arabe. Les façades de toutes les maisons à édifier doivent être soumises à la Rési­dence, le style mauresque leur est imposé — comme
à Nuremberg le style gothique; — leur hauteur maxima fixée à l'avance. Dans une certaine zone, réservée aux villas, la surface bâtie ne doit pas excéder le tiers de la superficie occupée, les deux autres tiers seront en jardins.

A son arrivée, le général Lyautey trouva en construction, à l'entrée de la ville arabe, destinées à loger des services de l'État, quatre bâ­tisses de pierre, affligées de cet aspect massif et maussade dont le génie militaire a la spécialité. Il s'empressa de les remanier et aujour­d'hui ces constructions, avec leurs arcs outrepassés et leurs balcons de bois ajourés d'arabesques, décorent le boulevard principal au lieu de le déshonorer.
Il y a plaisir d'artiste à circuler à travers les jalonnements établis et les terrassements commencés des grandes avenues de 16, 25, 50 mètres même, qui sillonneront la ville fu­ture.

Nombre de vergers d'arbres à fruits naguère frustes et broussailleux ont été émondés et débarrassés de leurs déplaisantes haies d'aloès et de cactus que remplace une main courante en bois : enchantement imprévu pour le promeneur que l'apparition de ces bosquets d'orangers qu'il ne soupçonnait pas quelques semaines plus tôt. Le culte des arbres existants — si rares au Maroc ! —- a été poussé très loin. Au milieu des artères nouvellement percées ça et là, quelques futaies isolées se dressent, emmurées de leur motte de terre ; tout le monde sait que ce sont des protégés de Mme Lyautey. On les y respectera jusqu'à ce que soient devenus grands ceux qu'on plante dans les parcs publics.

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MessageSujet: Rabat, la naissance d'une capitale.   Victor CAMBON : RABAT, La naissance d'une capitale -1914- EmptyJeu 19 Sep - 11:16

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Fig. 5. — La maison de convalescence de Salé.
Fig. 6. — Rabat et l'embouchure du Bou-Regreg.



Car il y aura de nombreux parcs et jardins publics à Rabat et la culture physique n'y sera point oubliée ; on aura un polo, des tennis, un foot-ball, etc. ; tout ce que les villes anglo-saxonnes ont coutume d'offrir à leurs habitants. On commence à  tracer et à planter un jardin d'essai où seront réunis, comme à celui d'Alger, les échantillons  variés de la flore ma­rocaine. Des perspectives sont menagées sur les principaux points qui attirent  les regards. Aux pieds de la tour Hassan s'étendra un parterre d'où l'on embrassera l'admirable panorama qui s'y épanouit.

Déjà des villas s'élèvent confor­mes à ces vues et les architectes, stimulés par l'initiative d'en haut, réalisent des conceptions charman­tes. Un hôtel somptueux, du style maure le plus délicat, s'ouvrira pro­chainement et sera, sans doute, le plus élégant de toute la cité Nord-africaine. Le propriétaire à qui ses moyens permettent de dépenser sans compter, n'y a ménagé ni le confort, ni l'esthétique. Enfin, sur le faîte de la colline, se dressera le palais de la Résidence.
C'est à peine si de rares et lourdes constructions, antérieures à l'arrivée du Résident, resteront pour déparer cet ensemble. Tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'elles serviront de repoussoir à l'œuvre qu'il a entreprise.

Au point de vue économique, on ne peut songer, faute de ressources suffisantes, à doter Rabat d'un port en eau profonde, On aura toujours à franchir la barre redoutable et sans profondeur. Mais depuis deux ans l'industrie privée s'est ingéniée à cons­truire des navires à voile et à vapeur, d'un faible tirant, capables de la traverser à marée haute quand la mer est clémente. Aussitôt entrés dans la rivière ils trouvent du fond et un calme absolu. Dès à présent l'estuaire du Bou-Regreg est constamment parsemé de bateaux de mer que l'on n'y avait pas coutume de voir les années précédentes.
Sur les bords, on commence à établir des terre-pleins; là s'élèveront des quais et des entrepôts pour la douane, dont l'absence jusqu'à ce jour a été  lamentable  pour le commerce local.

Toutefois, Rabat n'est point des­tinée à devenir une ville d'affaires; mais les aménagements qu'on lui prépare, non moins que son admi­rable climat, en feront une résidence recherchée et une villégiature d'hiver pleine d'attraits.
Il semble bien que le général Lyautey, tel le philosophe qui démontrait le mouvement en mar­chant, ait trouvé le meilleur expédient qui put assurer à Rabat son rang de capitale du protectorat marocain, la séduction.

Pour atteindre son but, il lui a fallu non seulement un goût sûr, une volonté forte et tenace, mais encore le prestige qu'il s'est acquis par une action militaire et politique qui restera dans l'histoire comme un modèle et qui, dès à présent, marque sa place sur la terre d'Afrique, à côté des Bugeaud, des Kitchener et des Cecil-Rhodes.  

Victor CAMBON
Ingénieur des Arts et Manufactures.

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MessageSujet: Rabat, la naissance d'une capitale.   Victor CAMBON : RABAT, La naissance d'une capitale -1914- EmptyJeu 19 Sep - 11:28




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LA TOUR HASSAN - 1914 -


Mohcine62 aime ce message

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